Maison Troisgros : des étoiles plein les yeux
- Charlotte
- 1 mai 2016
- 7 min de lecture
Davantage qu’une chronique, ce billet sera le partage d’un bon plan exceptionnel, mais surtout le récit d’une expérience inoubliable. Mon premier « trois étoiles ».
Chapitre 1 : "Redonne un sens à ta vie, en y mettant de la po-é-sie, poésie!"
"Pour mes trente ans j’irai dîner dans un restaurant trois étoiles". D'accord Charlotte (oui, depuis que j'ai un blog je me parle à moi-même). M'enfin déjà c'est pas donné, et en plus c'est dans beaucoup trop longtemps tes trente ans (qui a ricané ?).
En naviguant un jour de famine et de disette sur le site de la maison Troisgros (#masochisme), classée 8ème meilleure table au monde par "La Liste", j’ai déniché une offre destinée aux moins de 35 ans. Le concept ? Découvrir la magie d'une grande table et la subtilité des goûts de la cuisine de la maison Troisgros, à travers le menu "confiance" intitulé « Pour une Première ». Ce menu, disponible le dimanche et le lundi soir (ça tombe bien, le dimanche soir c'est nul), comprend : amuse-bouche, entrée, plat, dessert et mignardises / vins aux verres, eaux et boisson chaude. Le tout pour la « modique » somme de… 95 euros ! Quand on sait que chez Troisgros l’accord mets et vins peut atteindre les 395 euros, on en pleurerait presque de joie (on exagère jamais assez). Alors on appelle tous ses amis fins gourmets. On réserve. Et on attend, impatient comme un gosse de 5 ans la veille de noël.

Avant toute chose, soyons honnêtes, tout le monde ne peut pas, ou tout simplement ne veut pas, débourser 95 euros pour dîner dans un restaurant, même si les trois étoiles sont pleines de promesses. Cela reste un montant conséquent. Malgré tout, cette offre permet d’élargir le public de la haute gastronomie et repose sur un principe « gagnant-gagnant » : la maison Troisgros attire et fidélise une future clientèle, ravie d’avoir vécu cette expérience et accédé à ce type d’établissement. Une offre astucieuse et généreuse en somme. Devant le succès de ce concept, Michel Troisgros a d’ailleurs décidé récemment d’étendre ce menu à tous les âges, les lundis, jeudis et vendredis midi, pour 135 euros boissons comprises.
Bravant le caractère monotone d'une telle narration, je procèderai à un récit chronologique car je n'envisage pas meilleure façon de vous conter cette inoubliable soirée.
Chapitre 2 : "M***chaaal, nous voilààà!"
Enfin. Nous y sommes! Accueillis devant les portes de l'établissement puis délestés de nos manteaux, nous avons traversé l'élégant et luxueux hall d'accueil afin de rejoindre notre table. Nous avons alors découvert la salle de restaurant : panneaux japonais, œuvres d’art, fauteuils gris-chiné, tables rondes en bois clair et moquette gris perle, l'atmosphère est épurée, contemporaine mais chaleureuse. Le calme régnant dans la pièce m'a étonnée. Je me suis même surprise à chuchoter en début de repas alors que nous pouvions parfaitement discuter sans gêner nos voisins, les tables étant suffisamment éloignées les unes des autres.

source : www.troisgros.fr
J’avoue qu’à l’instant où l’un des serveurs a déposé mon sac à main sur un petit tabouret et glissé ma serviette sur mes genoux, je me suis sentie un peu comme un poisson rouge apprenant à faire du vélo. Mais finalement, je crois que je m’y habituerais assez vite ! L’ensemble du personnel est très aimable, prévenant, et à aucun moment on ne se sent considéré comme un client au rabais. La soirée a d’ailleurs été introduite de la façon suivante : « ne vous souciez de rien, nous sommes là pour vous, soyez en confiance, on s’occupe de tout ».
Chapitre 3 : "Toute première fois! Tou-toute première fois"
En préambule à la valse des délices, sachez que le nombre de serveurs s’affairant en salle est impressionnant. Et pourtant, chacun d’entre eux semble virevolter autour de vous, puis s’évaporer en toute discrétion. Sans que vous le remarquiez, ce plat est cloché, ce verre rempli, cette serviette repliée… Je crois qu’on appelle ça le talent. Le personnel sait également observer le juste équilibre entre la retenue que requiert cette classe d’établissement et « l’humanité », si je puis dire, dont tout être normalement constitué a besoin (petite dédicace à mon garçon de salle préféré, qui nous a annoncé un carré d’agneau au moment du dessert, pour, je cite, vérifier si on suivait). En d’autres termes, un service intelligent car professionnel sans être guindé, froid ou impersonnel.
Voici le menu "Pour une première " proposé ce soir-là :
Amuse-bouche :
Soufflé de courge et orange confite : une pâte à pain soufflée avec une garniture acidulée. Un petit régal plutôt original.
Riz soufflé à la citronnelle : une note fraîche, idéale en ce début de repas.
Pomme d’amour caramélisée - : un cœur fondant à souhait. A consommer sans modération !

Entrée :
Maquereau en gelée d’ananas : je n’apprécie pas la coriandre, pourtant l’association de quelques pousses avec le poisson et sa gelée de fruits était délicieuse. Malgré tout, s’il faut chipoter, c’est peut-être l’assiette qui m’a le moins séduite car j'ai peu senti le goût du maquereau.

Un ange qui passe : un équilibre des saveurs absolument parfait (est-il utile de le préciser ?). Cette chartreuse aux cuisses de grenouilles, jus d’herbes et persil, m’a transportée par son originalité, sa légèreté, la douceur de sa texture, la puissance en bouche de son jus d’herbe et le fondant de ses petites cuisses de grenouilles.

En accompagnement, petit pain au sarrasin et motte de beurre salé : engloutis sans complexes.
Aparté : Je crois que c’est à ce moment-là que Michel Troisgros est venu nous saluer. Je dis « je crois », parce que mis à part devenir rouge écrevisse et balbutier « c’est très bon » (sans blague ?), je me suis sentie déboussolée et en totale incapacité d’articuler quoi que ce soit ! Alors que j’aurais simplement voulu le remercier pour ce moment d’exception et le féliciter d'avoir imaginé ce concept. Une prochaine fois...
Plat :
Pigeonneau vapeur à l’aubergine : un chutney d’agrumes à tomber, des petits oignons glacés pour la note sucrée, des navets et un pigeonneau fondants, une cuisson parfaite et un jus réduit… exquis! Quel goût ! J’en ai encore l’eau à la bouche.

Dessert :
Sablé à la rhubarbe et au gingembre : je me répète, mais je crois que c'est notamment l’équilibre des saveurs et des textures qui définit la grande cuisine. Le croustillant du sablé, l’onctuosité de la glace, la fraîcheur de la gelée de gingembre, le sucré et l’acidulé de la rhubarbe… tout s’accordait sans aucune fausse note (et pourtant certains d'entre nous étaient réfractaires au gingembre).

Chaque plat nous a été expliqué en détail afin qui nous puissions l’apprécier au mieux (sauf par l’un des serveurs que nous avions quelques difficultés à comprendre et qui semblait absent).
Cela n'est pas précisé, mais je pense que le menu comprend quatre verres de vins (en tout cas nous n’avons pas eu la sensation d’être rationnés !) :
- Vin de Pays d’Urfé 2013 Hors Pistes Domaine des Pothiers (pour accompagner les amuse-bouche, puis l'entrée)
- Corbières 2014 Domaine Magnon « Rozeta » (pour accompagner le plat)
- Vin de France 2014 Domaine des Sablonnettes « Fleurs d’Erables » (pour accompagner le dessert - je l'ai beaucoup aimé)
Pour les amateurs de grandes tables, ce menu peut certainement sembler quelque peu traditionnel. Je pense que Michel Troisgros a su trouver la réponse la plus juste que l’on puisse donner, griffonnée il y a une vingtaine d'année dans sa dédicace du livre de cuisine de mes grands-parents : «En cuisine, comme dans tous les arts, rien n'est plus difficile que la simplicité ». Et bien rassurez-vous Monsieur Troisgros, vous y parvenez. A la perfection.
Chapitre 4 : "Avant de partir" (Roch <3)
A l’issue du dîner, nous avons eu la chance de visiter les cuisines de l’établissement. Une fois encore l’accueil était chaleureux. Quelques plats en cours de dressage, à quatre, voire à six mains, nous ont permis d’observer les cuisiniers à l’œuvre.
Nous avons été surpris de découvrir une cuisine équipée uniquement de plaques à induction - aucun fourneau à gaz ou électrique. Il me semblait que beaucoup de cuisiniers mixaient encore les différentes technologies. D’après ce que j’ai pu lire par la suite, Michel Troisgros, auparavant équipé de plaques électriques en fonte, a constaté un gain d’énergie et de temps en passant au tout induction. Il explique avoir réduit sa consommation électrique de 40 à 50 % et précise qu’il n’est plus contraint d’attendre que la fonte chauffe à son maximum (soit 30 ou 35 minutes).

Autre originalité : une petite table trônant dans un coin pour permettre aux enfants de dîner dans les cuisines. Si seulement j’avais pu rajeunir de cinq ou six ans… Aujourd’hui je n'espère qu’une chose : retourner un jour dans une grande cuisine pour une visite encore plus approfondie (en plein rush ?) et percer tous les secrets de ce lieu si particulier.
Nous avons ensuite rejoint le salon douillet pour des boissons chaudes et quelques mignardises délicieuses : un petit chou - coco, citron vert et chocolat blanc - ainsi que deux tartelettes, l’une à l’orange et safran, l’autre à la fleur d’oranger. Les serveurs étaient une fois encore aux petits soins, veillant à nous resservir en boissons chaudes aussi souvent que nous le souhaitions.
Avant de quitter les lieux, un détour par le magnifique jardin de la maison s’imposait. Nous nous sommes attardés un moment près du feu : une atmosphère intimiste, idéale pour achever cette soirée enchanteresse.

Chapitre 5 : "Que tu revieeeennes"
Rassurez-vous, aucune mauvaise surprise au moment de l’addition : 95 euros par personne, c’était le deal (sauf si comme moi vous êtes une groupie fanatique des produits dérivés, et repartez avec un ou deux torchons). A titre informatif, nous avons déjà fait la plaisanterie absolument hilarante des tickets restaurants. Il va falloir trouver autre chose*.
Pour terminer, nous avons laissé nos coordonnées afin que le détail du menu et des vins dégustés nous soit envoyé par email, en souvenir. Des pros jusqu’au dernier instant vous dis-je.
Dans un an, la maison Troisgros déménage pour s’installer dans un tout nouveau lieu, non loin de Roanne. J’ignore si l’offre « Pour une Première » sera maintenue, mais je l’espère de tout cœur. Déjà parce que j'aimerais revenir. Ensuite car ce dimanche soir entre amis fût vraiment l’un des meilleurs de toute ma life.
La bise
Note à moi-même : trouver un autre trois étoiles pour mes trente ans. Même si c'est dans longtemps.
*Non. Ils ne les prennent pas.
Maison Troisgros
Hôtel 5 étoiles - Restaurant ***Michelin
Place Jean Troisgros 42 300 Roanne
Tél. +(33) 04 77 71 66 97 fax. 04 77 70 39 77
info@troisgros.com
-Menu « Pour une première » moins de 35 ans :
95 euros : amuse-bouche, entrée, plat, dessert et mignardises ; vins aux verres, eaux et boisson chaude
Hors jours fériés et sur réservation.
-Menu « Pour une première » tout âge :
135 euros, boissons comprises. Tous les lundis, jeudis et vendredis midi. Uniquement sur réservation au 06.03.58.30.45
Attention, pensez à préciser l’offre dont vous souhaitez bénéficier au moment de la réservation, le nombre est limité !