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Une Gourmandise - Muriel Barbery


Couverture livre Une gourmandise Muriel Barbery

Ce nom vous évoque peut-être quelque chose. Rien d'anormal, il s’agit de l’auteur du best-seller vendu à plus d’un million d’exemplaires : L’Elégance du hérisson.


Conquise par ce second roman de Muriel Barbery, j’ai décidé de m'attaquer à son tout premier livre, au thème très prometteur puisqu’il aborde l’univers de la gastronomie.


Le mot de l’éditeur :


Pierre Arthens. C'est le plus grand critique culinaire du monde, le Pape de la gastronomie, le Messie des agapes somptueuses. Demain, il va mourir. Il le sait et il n'en a cure : aux portes de la mort, il est en quête d'une saveur qui lui trotte dans le cœur, une saveur d'enfance ou d'adolescence, un mets original et merveilleux dont il pressent qu'il vaut bien plus que tous ses festins de gourmet accompli. Alors il se souvient. Silencieusement, parfois frénétiquement, il vogue au gré des méandres de sa mémoire gustative, il plonge dans les cocottes de son enfance, il en arpente les plages et les potagers, entre campagne et parfums, odeurs et saveurs, fragrances, fumets, gibiers, viandes, poissons et premiers alcools... Il se souvient - et il ne trouve pas. Pas encore.


Mon avis :


Si vous avez lu le second roman à succès de Muriel Barbery, vous connaissez déjà sa très belle plume, parfois alambiquée, mais extrêmement subtile, à la limite du précieux. Donc on aime, ou on n’aime pas. En ce qui me concerne j’adhère totalement car je trouve les romans actuels souvent très faibles d’un point de vue stylistique. Cet amour des mots, cette volonté de les choisir, de les polir, Muriel Barbery l'exprime parfaitement au travers d'une réflexion formulée par son personnage principal :


"Dans le simple mot « sorbet », déjà, tout un monde s’incarne. Faites l’exercice de prononcer à voix haute : « Veux-tu de la glace ? » puis d’enchaîner, immédiatement, sur « Veux-tu du sorbet ? », et constatez la différence. C’est un peu comme lorsqu’on lance, en ouvrant la porte, un négligent : « Je vais acheter des gâteaux », alors qu’on aurait très bien pu, sans désinvolture ni banalité, se fendre d’un petit « Je vais chercher des pâtisseries » (bien détacher les syllabes : non pas « pâtissries » mais « pâ-ti-se-ries ») et par la magie d’une expression un peu désuète, un peu précieuse, créer à moindres frais, un monde d’harmonies surannées. Ainsi donc, proposer des « sorbets » là où d’autres ne songent qu’aux « glaces » [...] c’est déjà faire le choix de la légèreté, c’est prendre l’option du raffinement, c’est proposer une vue aérienne en refusant la lourde marche terrienne en horizon fermé. "

Tout au long du roman, les qualités littéraires de Muriel Barbery sont à la hauteur de mes espérances. Les descriptions font saliver, certes, mais elles possèdent également une réelle force évocatrice et font appel à des souvenirs, des instants de vie, que le lecteur a bien souvent lui-même vécus.


Plutôt qu'un discours prolixe, deux extraits choisis :


"Sucre, eau, fruit, pulpe, liquide ou solide ? La tomate crue dévorée dans le jardin sitôt récoltée, c’est la corne d’abondance des sensations simples, une cascade qui essaime dans la bouche et en réunit tous les plaisirs. La résistance de la peau tendue, juste assez, le fondant des tissus, de cette liqueur pépineuse qui s’écoule au coin de lèvres et qu’on essuie sans crainte d’en tacher ses doigts, cette petite boule charnue qui déverse en nous des torrents de nature : voilà la tomate, voilà l’aventure."


"Vers treize heures nous levions le camp. […] J’avais du sable collé aux chevilles, les joues en feu, je me ramollissais dans la chaleur de l’habitacle […] Doux calvaire, le plus doux de tous : quiconque a passé des étés au bord de la mer connaît cela, cette exaspérante nécessité de rentrer, de quitter l’eau pour la terre, de supporter le désagrément de redevenir lourd et suant –connaît cela, l’a exécré et s’en souvient, en d’autres temps, comme d’un moment béni. Rituels de vacances, sensations immuables : un goût de sel au coin des lèvres, les doigts fripés, la peau chaude et sèche, les cheveux collés qui gouttent encore un peu dans le cou, la respiration courte, que c’était bon, que c’était facile… Arrivés à la maison nous nous ruions sous la douche, dont nous sortions reluisants, l’épiderme souple et la mèche docile, et l’après-midi commençait par un repas."

J’ai donc été séduite au fil des pages par l’exercice stylistique et l’expérience sensorielle que nous offre Muriel Barbery. Par ailleurs, concernant la construction du récit, l’alternance de narrateurs confère de la profondeur aux personnages et permet notamment de considérer avec davantage d’indulgence Pierre Arthens, décrit par ses proches comme tyrannique, égoïste et insensible.


Malheureusement (et oui...), la fin tombe à plat et me laisse sur ma faim (combo humoristique). La quête du personnage principal, à la recherche de sa madeleine de Proust, sert une réflexion plus globale sur les liens familiaux, la vie, la mort, les choix et les regrets. L’idée est bonne, ambitieuse, mais inaboutie. C’est vraiment dommage car l’auteur tenait quelque chose. Mais quand on replace les choses dans l'ordre, Une Gourmandise est le premier roman de Muriel Barbery. Ne peut-on alors le considérer comme un essai prometteur, brillamment transformé avec L’Elégance du Hérisson?


En conclusion, ne vous attendez pas à un chef d’œuvre en ouvrant ce roman, mais, cela étant dit, lisez-le (un dimanche après-midi pluvieux, confortablement installé devant un tasse de thé chaud et des petits choux à la crème de chez « Trop Chou ») parce qu’il est très bien écrit, parce qu’il fait saliver et parce qu’il nous fait revivre des souvenirs inoubliables.


La bise

 

Une Gourmandise

Muriel Barbery


Roman (poche) - 6€50

Date de parution : 2000



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